dimanche 24 janvier 2010

promenons- nous dans les bois




«Promenons-nous dans les bois »
(Juguemos en el bosque)

Le ciel est, par-dessus le toit,
Si bleu, si calme !
Un arbre, par-dessus le toit,
Berce sa palme. […]
Paul Verlaine


Après l’exposition de León Ferrari et un premier échange avec l’association Yo no fui en 2009, Travesías accueille en 2010 la poétesse argentine María Medrano. Fondatrice de Yo no fui , elle mène depuis plusieurs années des ateliers de poésie à la prison des femmes d’Ezeiza, dans la banlieue de Buenos Aires (cf. p. 5). Ses ateliers soulèvent des questions autant sur le langage et la forme poétique que sur l’identité et le temps carcéral. Car, en effet, les individus souffrent en prison d’un processus de dépersonnalisation qui atteint même le langage :
« À la prison, on oublie les mots qui nomment les choses. […] Quand on rentre en prison, on cesse d’être une personne pour être un paquete (paquet), comme les appellent les gardiennes. Les femmes qui participent à l’atelier sont dans un processus de résistance. Elles résistent à être stigmatisées. En cela, l’atelier est une île, un espace qu’elles définissent comme el cacho de libertad (le morceau de liberté). En ce sens la poésie, comme toute forme d’art, est liberté. » María Medrano

Engageant la dimension sociale et politique de l’art, « Promenons-nous dans les bois » a pour but de mettre en relation le public des femmes en prison avec différents territoires (Ezeiza, Nantes, Rennes, Thorigné-Fouillard), initiant ainsi une réflexion autour de l’art, de la psychanalyse et du travail social. Mais il est question également de travailler autour du thème de l’arbre en raison des symboles qu’il véhicule : le chêne de la justice, le bois qui abrite ou réchauffe, la renaissance à chaque saison, l’immortalité. En effet, l’arbre est immortel, car toujours il renaît de chaque graine qu’il essaime. Sur les écorces brunes, on grave des cœurs percés de flèches. On y dit « je t’aime ». L’arbre touche les nuages, c’est la maternité des oiseaux. Enfant, on rêve d’y grimper jusqu’à la cime, on y construit des cabanes ; les arbres protègent la terre, ils sont source de vie, de l’oxygène. Chacun possède en lui un arbre imaginaire. La position de l’arbre est à la base du tai-chi et du chi-kong, en Chine. L’arbre généalogique représente, par ses ramifications, le développement d’une communauté…

Lors d’une première rencontre en Argentine (mai-juin derniers), Chantal Bideau a été invitée par Yo no fui à animer un atelier dessin et poésie en prison. Travesías a ainsi engagé une première étape de ce projet et en a collecté une première série de textes qui seront publiés par Vox, éditeur argentin.

Le projet se poursuit en France, par la mise en place de deux ateliers : un atelier poésie et un atelier dessin et sérigraphie ; puis par l’invitation en résidence à la Maison de la poésie de María Medrano afin qu’elle participe aux ateliers avec les femmes de la prison de Rennes et de Nantes.

Poésie comme projet de résistance
Poésie comme critique lucide
Poésie comme acte de rébellion
Poésie comme essai de transparence
Poésie comme rachat historique de la mémoire
Poésie comme effort de perception
Poésie qui diffuse une éthique
Poésie qui révèle l’intelligence d’exprimer le monde
Plus qu’une forme de s’exprimer sur le monde c’est une forme d’être en lui.

Laura Ross
Participante de l’atelier. Texte extrait du deuxième recueil « Yo no fui », Buenos Aires, 2005.