dimanche 9 août 2009

Nosotros no sabíamos (dossier de presse)

Exposition
León Ferrari
Nosotros no sabíamos



21 septembre - 26 octobre 2009
Galeries du Cloître
École des Beaux-Arts de Rennes
34, rue Hoche F-35000 Rennes

du lundi au vendredi de 15 h à 19 h
et le samedi de 14 h à 18 h

tél : + 33 (0)2 23 62 22 60
fax : + 33 (0)2 23 62 22 69
erba@ville-rennes.fr
http://www.erba-rennes.fr/

Vernissage
lundi 21 septembre à 18 h

Conférence
Andréa Giunta, théoricienne,
Professeur à l'université du Texas
et à Buenos Aires.
à l’invitation de La Criée centre
d’art contemporain, Rennes
Auditorium ERBA
22 septembre à 17 h

« Héliogravures re play »
Performances de Julien Jeanne
autour de l’oeuvre héliographiée
de León Ferrari

Musée de la danse
38, rue Saint-Melaine, Rennes
Performance à 19 h
Le jour du vernissage
Le vendredi 25 septembre
Les 2, 9, 16 et 23 octobre

Commissariat : Chantal Bideau


L’association TRAVESÍAS développe depuis quelques années des projets au confluent des arts plastiques et de l’écriture. Elle organise des déplacements d’artistes, de poètes et de théoriciens, dans l’idée de générer du lien entre des régions en dehors des grands axes. Elle contribue ainsi à mener une réflexion sur les manières de faire et de penser l’art aujourd’hui. Le réseau, la relation humaine dans des allers-retours, le passage du local au global sont les concepts clés du projet de TRAVESÍAS dans cette ère du tout virtuel.
Les premiers échanges ont été initiés à partir de l’Argentine du fait de la relation très particulière de ce pays avec l’Europe. Ainsi, en 2007, la présentation à Rennes, au Bon Accueil, des archives de Tucumán Arde, mouvement d’avant-garde des années soixante en Argentine, avait donné un éclairage sur l’engagement des artistes de cette époque. Dans les débats des artistes apparaissait le souci de faire en sorte que leur engagement social et politique rejoigne le côté expérimental de leur langage artistique. León Ferrari a participé à ce mouvement.
Poursuivant cette recherche, TRAVESÍAS présente l’exposition « Nosotros no sabíamos » avec le partenariat de l’École des beaux-arts, du centre d’art contemporain La Criée et du Musée de la danse de la Ville de Rennes.

Entre les années 1976 et 1983, l’Argentine a vécu sous une des dictatures militaires les plus terribles d’Amérique latine. « Nosotros no sabíamos » réunit des séries d’illustrations, de collages et d’héliogravures de León Ferrari réalisées dès 1976. Dans les années qui ont suivi la dictature, la phrase « Nosotros no sabíamos » était couramment entendue parmi la population : « nous ne savions pas ». Cette expression évoque l’attitude négligente et complice d’une grande part de la société par rapport aux événements de ces sept années d’horreurs. Ferrari a choisi ce titre pour l’ensemble des coupures de journaux qu’il a réunies pendant la première phase de la dictature. Il était en exil au Brésil suite à la disparition de son fils Ariel qui fait partie des 30 000 personnes disparues et assassinées pendant cette période. Les informations passées à travers le tamis de la censure ou bien volontairement infiltrées dans les journaux permettaient d’entretenir le climat de terreur. En mettant en évidence une réalité que tout le monde pouvait percevoir, l’artiste affirme que « nous ne savions pas » était impossible.
De retour à Buenos Aires, Ferrari effectue des collages pour illustrer le livre Nunca más édité par le journal Página/12 et par le département éditorial de l’Université de Buenos Aires en 1995. Chaque semaine, le journal a offert à ses lecteurs un fascicule avec les différentes sections du texte et les illustrations de l’artiste. Nunca más est le rapport de la commission nationale qui s’est occupée de la recherche sur la répression de l’État et sur la disparition des personnes pendant la dictature (CONADEP). Il a été publié pour la première fois en 1984.
L’expression nunca más, « jamais plus », traduit la volonté des Argentins de ne plus revivre les événements de ce passé douloureux.
Dans les séries « L’Osservatore romano » et « Nunca más », Ferrari montre les relations entre les représentations iconographiques de l’enfer au fil des siècles et les pratiques contemporaines de la torture. Dès 1965, avec La Civilisation occidentale et chrétienne, le collage d’un Christ sur un bombardier américain dénonçant la guerre du Vietnam, il questionne les rapports que le pouvoir politique entretient avec le pouvoir du clergé. L’ensemble de son œuvre, contenant des éléments subversifs, a suscité des protestations des mouvements catholiques conservateurs qui ont fait pression pour la fermeture des salles lors de différentes expositions à Buenos Aires.
Tout au long de sa carrière, Ferrari expérimente de multiples techniques et dispositifs – de la photocopie à la sculpture sonore, de l’écriture abstraite à la manière de Michaud aux collages réalistes. Pendant son exil au Brésil, il réalise des héliogravures dans lesquelles il utilise des images standard, des Letraset, habituellement associées aux plans d’architecte, en composant des espaces inhabitables où les règles de l’urbanisme sont disloquées et où toute convivialité devient impossible. Cela symbolise à la fois le chaos et l’ordre. « A propos des héliogravures de León Ferrari » (Buenos aires janvier 2008) le commissaire Andrés Duprat décrit ainsi ce travail :
« À travers le dessin de plans d'architecture et l'utilisation d'estampes, Ferrari construit des œuvres qui exacerbent jusqu'aux limites un imaginaire des relations humaines. Nœuds d'autoroute impossibles, ronds-points qui concentrent des masses de gens, structures dans lesquelles l'usage de l'automobile et les piétons sont inversés, organisations spatiales contradictoires, constructions invraisemblables qui nous précipitent dans un univers de d'étrange fascination. » Ces héliogravures, présentées au Musée de la danse, seront interprétées par Julien Jeanne dans une série de performances chorégraphiques.

La théoricienne argentine Andrea Giunta invitée par le centre d’art contemporain La Criée, approfondira l’éclairage sur le travail de cet artiste emblématique dans sa conférence « L’Affaire Ferrari ». Giunta est une spécialiste de l’art des années soixante ; elle étudie les rapports entre l’avant-garde politique et artistique et le développement de la modernité en Amérique Latine.
Par le biais de cette exposition, TRAVESÍAS souhaite offrir au public de la région une plus large connaissance de l’art argentin en focalisant sur l’œuvre d’un de ses artistes les plus reconnus et les plus influents pour les nouvelles générations.

Chantal Bideau et Bérénice Gustavino
Rennes, juillet 2009

Biographie abrégée de Léon Ferrari
León Ferrari est né en 1920 à Buenos Aires. Dans les années cinquante, il travaille la sculpture avec divers matériaux : céramique, plâtre, ciment, bois ; il réalise ses premières expositions en Argentine et en Europe. Dès le début des années soixante, il crée des sculptures en fil de fer. Il commence aussi ses « écritures » : des dessins abstraits qui imitent l’écriture sans être vraiment lisible.
En 1964, Ferrari participe au groupe d’artistes de l’institut Torcuato Di Tella, siège de l’avant-garde artistique à Buenos Aires. À cette époque, il conçoit des assemblages de bouteilles, de cages et de poupées et s’intéresse à la religion et à la politique. En 1965, il présente La Civilisation occidentale et chrétienne au prix de l’institut Torcuato Di Tella. Il s’agissait d’une réplique d’un bombardier américain sur lequel était fixée une figure du Christ crucifié. L’institut a décidé de ne pas retenir ce collage car sa critique de la politique impérialiste des États-Unis au Vietnam et la référence au pouvoir de l’Église étaient trop explicites. Cette pièce est devenue un paradigme dans la tradition de l’avant-garde esthétique et politique de l’art du xxe siècle.
Après une étape plus abstraite, il reprend l’iconographie religieuse pour faire des collages et des photomontages. Des images de l’enfer dans des tableaux des maîtres du Moyen Âge ou de la Renaissance sont ainsi mises en lien avec des photos et des articles de presse. Il s’interroge en particulier sur l’idée du châtiment et de l’enfer dans l’église chrétienne, qu’il met en relation avec les pratiques contemporaines de la torture. À cette période, il fabrique aussi des objets qui combinent des petites figures, des icônes de l’Église comme des saints ou des vierges, avec des excréments d’animaux. Dans Le Jugement dernier, il installe une volière avec des colombes et place au fond de la cage une reproduction du plafond de la chapelle Sixtine de Michel-Ange. L’œuvre s’autoproduisait avec les excréments des oiseaux. Il combine ainsi le process art et la provocation politique en violant une œuvre iconographique à la manière de Mona Lisa à la moustache de Marcel Duchamp.
León Ferrari a participé à de nombreuses expositions en Europe et sur le continent américain comme la dernière biennale de São Paulo et celle du Mercosur à Porto Alegre. En 2007, il a obtenu le Lion d’or à la biennale de Venise et a participé à la Documenta 12. Le MoMA de New York a récemment montré son travail dans l’exposition « Tangled Alphabets » avec l’artiste brésilienne Mira Schendel.
Pour en savoir plus : www.leonferrari.com.ar

Andrea Giunta et « L’Affaire Ferrari »
Spécialiste de l’art argentin des années soixante, Andrea Giunta a suivi l’ample trajectoire artistique de Ferrari dès sa participation polémique au prix de l’institut Torcuato Di Tella en 1965 jusqu’à son exposition anthologique au Mexique en 2008. Son livre El Caso Ferrari. Arte, censura y libertad de expresión en la retrospectiva en el centro cultural Recoleta, 2004-2005, publié en 2008, réunit des textes pour aborder la complexité des relations entre art, censure et société. Au cours de la grande rétrospective de Ferrari au centre culturel Recoleta de Buenos Aires, en 2004, dont elle assura le commissariat, l’auteur examine des notions comme « liberté d’expression », « responsabilité » et « ordre public », termes du discours juridique produit autour de l’« affaire Ferrari ». Elle analyse aussi le rôle des institutions publiques dans les manifestations artistiques et les limites de l’art contemporain.
Andrea Giunta est professeur et chercheur en histoire de l’art ; elle enseigne l’art latino-américain à l’Université du Texas, Austin, aux Etats-Unis, où elle dirige le CLAVIS (Center for Latin American Visual Studies); Elle est également chercheur au CONICET, Argentine. Dans son ouvrage Vanguardia, internacionalismo y política. Arte argentino de los años sesenta (publié chez Paidós à Buenos Aires en 2001 et réédité en 2008 par
l'éditeur Siglo XXI, puis traduit en anglais et publié par l’Université Duke, Durham, Caroline du Nord, en 2007), elle étudie les tendances avant-gardistes de cette période et le processus d’internationalisation de l’art argentin. Elle a récemment présenté Poscrisis. Arte argentino después de 2001 (Siglo XXI, 2009).

conférence le 22 septembre à 17 h à l'auditorium de l'ERBA



« Héliogravures », exposition performative des héliogravures de Léon Ferrari



Le chorégraphe Julien Jeanne a imaginé un projet inspiré de la série d’héliogravures de León Ferrari. Avec la complicité d’un groupe d’amateurs et de l’artiste plasticien sonore Damien Marchal, il souhaite construire une espace mouvant à la frontière entre exposition et performance où se réaliseront des séries d’actions, tant visuelles que chorégraphiques et sonores émanant directement de ces impressions en relation avec les héliogravures de Ferrari.
Performance le jour du vernissage puis les vendredis 25 septembre et les 2, 9 et 16 octobre à 19 heures.